F’tez-nous la paix, bon sang !

Souvenez-vous de la fameuse phrase de Pompidou à Chirac : « Mais arrêtez donc d’emmerder les Français ! Il y a trop de lois, trop de textes, trop de règlements dans ce pays ! On en crève ! Laissez-les vivre un peu et vous verrez que tout ira mieux. Foutez-leur la paix ! Il faut libérer ce pays ! » Il avait fichtrement raison. Et on ne l’a fichtrement pas écouté… Je ne sais pas si c’est pour contrer l’impuissance grandissante des gouvernements ou pour obéir aux technos paranos de Bruxelles, mais nous sommes désormais absolument ensevelis sous des tonnes de normes, de lois, de décrets ou de règlements dans tous les domaines*. Chez nous, rien qu’entre 1995 et 2005, 473 lois ont été votées. On imagine bien que depuis, ce chiffre s’est encore accru ! Cela semble impossible de toutes les dénombrer. En son temps, Mitterrand avait voulu le faire. La commission chargée de ce travail, épuisée et dépassée, a fini par jeter l’éponge. Selon certaines sources, on en serait à 11.000 lois et 130.000 décrets.

Pompidou devait être un peu taoïste… Au fond, on devrait forcer tous les gouvernants à relire Lao-tseu ou Tchouang-tseu avant d’agir. Trois cents ans avant Jésus Christ, ils avaient déjà tout pigé. Voici un extrait du « Voleurs de coffrets » écrit par Tchouang-tseu (Oeuvre complète, Folio essais). Probablement surprenant pour qui n’a pas encore saisi le taoïsme, et pourtant éclairant.

« Pour protéger les coffrets, les sacs, les malles contre les voleurs, on les attache avec des cordes, on les munit de solides serrures. C’est ce que le monde appelle la prudence. Survient alors un bandit qui emporte la malle sur le dos, le coffret à la main et le sac sur les épaules. Il emporte le butin précipitamment et n’a d’autre crainte que de voir les cordes se rompre et les serrures se briser. Ainsi, ce que le monde appelle la prudence ne sert-il pas le bandit ?
(…)

À l’intérieur des quatre frontières [ NDLR : de la principauté de T’si ], (…) on disposait le pays en villages, cantons et préfectures, ce qui se conformait parfaitement aux institutions des saints. Et cependant, un jour, le prince de Ts’i fut assassiné par son ministre T’ien T’ch’eng-tseu, qui vola la principauté. Il ne vola pas seulement la principauté, mais aussi les lois sages et prudentes qui y étaient établies. Bien qu’usurpateur, T’ien Tch’eng-tseu y vécut aussi tranquillement qu’un Yao ou un Chouen. C’est ainsi qu’aucun petit pays n’osa le critiquer, et qu’aucun grand pays n’osa l’attaquer. Il légua la principauté à ses descendants pour douze générations. Ne dira-t-on pas qu’il avait volé la principauté en même temps que ses lois sages et prudentes afin de préserver sa personne de voleur ?

(…) Comme dans le monde il y a plus de méchants que de bons, on peut dire que le saint nuit plus au monde qu’il ne lui porte avantage. (…) Si les saints ne meurent pas, les bandits ne disparaissent pas. Confier aux saints le gouvernement de l’État, c’est favoriser le brigand. Vouloir mesurer avec le boisseau et les dix boisseaux, c’est voler les autres avec le boisseau et les dix boisseaux. Vouloir peser avec la balance et les poids, c’est voler les autres avec la balance et les poids viagra ou pas. Vouloir inspirer confiance avec les contrats et les sceaux, c’est voler les autres avec les contrats et les sceaux. Vouloir corriger les hommes par la bonté et la justice, c’est les voler avec la bonté et la justice. Et voici comment on saura qu’il en est ainsi.

Qui vole une agrafe est mis à mort ; qui vole une principauté en devient le seigneur ; les gardiens de l’humanité et de la justice vivront sous sa protection. Cela ne prouve-t-il pas qu’on vole avec la bonté et la justice, la sagesse et la prudence ? Ainsi, celui qui marche sur les traces des bandits parvient à rallier les seigneurs de son temps, à voler au nom de la bonté et de la justice, à s’approprier le boisseau et les dix boisseaux, la balance et les poids, les contrats et les sceaux ; il ne pourra pas être ramené au bien par la promesse de récompense telle que carrosses ou bonnets de dignitaires, ni être réprimé par la menace de la hache ou de la lance. En résumé, favoriser les entreprises du brigand et ne pouvoir les réprimer, voilà le crime des saints. »

* Notons qu’avec notre nombre incalculable de lois, on devient tous, sans le savoir, des brigands à punir… À commencer par ma gardienne, qui persiste courageusement à changer les ampoules de l’escalier de mon immeuble quand elles sont grillées, alors qu’elle n’en a, selon la loi surprotectrice actuelle, plus le droit. Sans elle, on serait tous dans le noir depuis longtemps, hélas. Car comment engager une entreprise pour remplacer, quatre ou cinq fois par an, lorsqu’elle grille, une des ampoules des plafonniers, en sachant le prix que ça coûterait, et l’absurdité du truc ? Définitivement, la blague est vraie : il faut cinq politiciens pour changer une ampoule : un qui la tient, et les quatre autres qui font tourner l’escabeau !

5 réponses

  1. Qu’on nous fiche la paix, je n’y crois guère, au contraire la loi du système consiste à nous ficher dans un entrelacs de lois produites par des groupes qui s’en fichent et contre fichent de ce que nous en pensons. Ces saigneurs se situent , quant à eux au dessus des lois et vivent dans leurs principes ôtés….A learl grè dirait babeth du tout II….Ils rêvent de propriétés sans limites et croient y avoir droit. Or, la propriété est un accommodement, un prêt, pour que l’intérêt particulier concourt à l’intérêt général. le droit de propriété atteint des limites, quand il bloque la bonne marche du système. C’est un point capital aurait dit Marx.Le bonheur est dans l’échange plus que dans le prêt….Notre société semble être une société du pillage généralisé, y compris des épaves laissées sur le bord de la route. Si les chômeurs, les exclus ne peuvent plus faire d’économies, une économie prospère autour d’eux , formations, conseils….Il s’agît de leurs faire croire qu’ils peuvent éviter de rater le coche en se laissant coacher. La prostitution, le sexe, la drogue, l’économie souterraine vont être intégrer dans le calcul du PIB , en gros le produit de la baise et des baisés du progrès. DSQ sera , bientôt , réhabilité, nommé ministre du Q, quotient de productivité parties culières . Cela suppose des calculs des parties culs élémentaires, des parties fines et des poussières….Des masters universitaires vont devoir être créés que réussiront ceux qui pourront s’offrir des cours partie- culiers. Un doctorat d’état en organisation maffieuse ou, pour respecter la nomenclature de Bruxelles , en « organisations criminelles » couronnera le cursus. Bref la bande organisée est la richesse de demain, pour faire sa pelote, il va falloir peloter….De tout ce bordel, certains en ont leur claque. Ils vont devoir s’adapter. Il existe des stages de vols libres, ou il est loisible d’apprendre à être un monte en l’air. Quand le delta plane, la bourse s’envole, tel est le pari de demain…Le delta de mes congs , putain cong !!
    Le sacré en a pris , un sacré coup dans l’aile des anges….Les bataves , pour réunir des fonds pour lutter contre le cancer ont escaladé à vélo la montée de l’Alpe d’Huez. A l’aller , ils firent la pente, la côte au retour. Ce fut leur Week- end de pente côte. Ces calvinistes auraient pu choisir le week- end de l’ascension, cela n’aurait pas manqué de selles….

    Tao, tao, répondit l’écho !!

  2. Merci pour les articles de Paul Jorion, ils sont solides et font froid dans le dos….
    Je crois que toutes les langues se prêtent à des jeux sémantiques….Je prends plaisir à faire saisir mes télescopages calembourdesques à des étrangers ayant une très faible maîtrise du français. Leurs rires me ravissent…..

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