Mot moche en cours : emploi

Edward Hopper

Mot honni en passe de terrasser complètement les mots « travail » et « métier ». Normal en ces temps de disette intellectuelle et de chômage de masse, dans une époque où l’élite autoproclamée voudrait voir disparaître ces pue-la-sueur d’ouvriers, de paysans et d’artisans pour les remplacer par d’aimables Kent cravatés ou des Barbies mises-en-plitées debout derrière des comptoirs ou assis derrière des ordinateurs. Depuis que les femmes de ménage sont devenues des « techniciennes de surface », il était logique de remplacer les mots « travail » et « travailleurs », un peu rudes pour les beaux esprits à la conscience encore titillée*, par « emploi » et « employés », ces mots apparemment plus neutres. Pour ceux qui savourent la langue française dans sa très riche complexité, ça ne passe pas, cependant. Car l’employé, on le devine, n’est qu’un « ployant » interchangeable et corvéable, là où le travailleur, ayant gagné respect et galons dans les nombreuses luttes de classe du XXe siècle, s’accroche comme une tique furieuse à son entreprise menacée, ce qui est assez gênant pour les affaires, n’est-ce pas, mon cher. Quant à celui qui pratique un « métier », il démontre par sa seule existence que le savoir faire ne s’acquiert pas en claquant des doigts, et que si on le jette, on jette avec lui l’expérience acquise au cours d’une vie, et voilà qui est aussi terriblement gênant, car cette idée de valeur et de maîtrise ne cadre pas DU TOUT avec l’idée, que les ploutocrates répandent partout, que tout le monde humain se vaut dans tous les domaines.  Mais il est logique que les banquiers qui nous dirigent utilisent les mots qu’ils aiment : autrefois, l’employé était forcément « de banque ». (Aujourd’hui, il l’est « de casino », ce qui revient au même.)

*Titillée, certes, non par l’injustice sociale, mais juste par le fait que celle-ci soit visible, ô horreur !

49 réponses

  1. Dans l’imaginaire du patron, le travailleur a un sale air. Un sale air a réclamé des sous qui finissent en salaires trop lourds pour l’entreprise qui croule sous les charges. Les seules charges considérées légères sont les charges policières dispersant les manifestant avec leurs sales airs de la peur. Avec ou sans étude, un travailleur est destiné à être licencié, la seule chose qu’il ait à apprendre c’est le chômage mode d’emploi . L’avenir est au bénévolat qui est en train, doucettement, de devenir obligatoire. Comme ose le dire le brouillardeux FOG, les jeunes d’aujourd’hui ne veulent plus commencer en bas de l’échelle . C’est, sans doute, pourquoi l’ascenseur social est en panne! Lui a accepté de débuter comme stagiaire dans un journal . Il devait être un peu niais, il ignorait que ses parents étaient de gros actionnaires de ce canard. Moralité, avant de se décider à naître, il faut choisir des géniteurs aux bourses bien remplies (çà va de soi) et dotés d’un pouvoir influent!!! La seule façon d’éradiquer le chômage et la pauvreté est d’autoriser la naissance que des enfants titulaires d’un contrat de travail bien rémunérés suivi d’une solide retraite.
    Pour tous les autres, nés de conception insouciante, tous les chemins mènent aux roms!!

  2. Rhâ, voui, le sale aria du salariat… :)
    La seule façon d’éradiquer en grande partie chômage et pauvreté serait de pouvoir juger, condamner et enfermer les gros porcs de Goldman Sachs et leurs potes tricheurs, comme on l’avait fait avec les banksters des années 30 responsables de la première crise. La semaine dernière, le doc d’Arte sur les malversations de la finance était impeccable et impitoyable…

  3. Les mots ne sont que des outils utilisés par ceux qui en tirent profit, c’est sûr. J’ai encore revue hier l’excellent documentaire sur Arte sur la Phynance… Tragique.

    1. Salut Obni ! :)
      Oui, sacré doc… En même temps, j’ai compris en le voyant le paradoxe de l’Europe, qui sert à la fois de bouclier et de fers aux pieds face à la finance sans freins. C’est vraiment étrange.
      Quant à « l’emploi » (ça vous a quand même un petit côté « servage », ce mot), j’y repensais en voyant, il y a peu, les immenses tentes d’une sorte de « foire à l’emploi » organisée à Paris, non pas place de Grève comme jadis, mais place de la Concorde près des Tuileries, et les longues queues de gens inquiets attendant devant l’entrée. C’était sinistre.

    1. Si j’en crois le tableau qui opère son charme en incipit de ce billet, quand il fait beau, » tu joues »la fille à la fenêtre » …Pas mal, la fenêtre….euh, je veux dire la fille,bien sur…

    2. :D
      Non, c’pas moi, hahaha !
      Non, moi j’ai le nez sur tous les trucs que j’dois faire. Enfin, « sur »… Y’en a tellement que mon museau est plutôt d’ssous.

  4. La grande pompe à phynances
    http://www.arte.tv/guide/fr/046522-001/la-grande-pompe-a-phynances?autoplay=1
    Le bal des vautours
    http://www.arte.tv/guide/fr/046522-002/le-bal-des-vautours?autoplay=1
    On peut les revoir lundi 18.
    Les économistes atterrés prévoient l’effondrement pour bientôt, hélas le chaos qui pourrait s’ensuivre serait terrible pour les clampins de base que nous sommes. Mais si on en juge par ce qui se passe en Grèce ou en Espagne (comme en Argentine en 2001) la société s’organise en dehors du système et grâce à l’initiative de la société civile, ça avance.

    1. Ouaip, j’ai même découvert des coops de vente directe agriculteur/consommateur de légumes et de fruits de saison près de chez moi.
      On les aura. Ce sera long, mais on les aura (sinon on crève tous de toute façon).

  5. Raaah! Il m’a bouffé mon commentaire le machin.
    Bon je recommence.
    L’emploi est en effet un mot très moche avec pire encore l’employabilité. Sans elle t’es mort. Il ne te suffit pas d’être un chouette gars, plein de talent et d’humour, il te faut faire la preuve de ton employabilité, faut que tu sois intégré càd casble dans une case prévue pour que tu t’y rende utile au Grand Kapital.
    http://www.arte.tv/guide/fr/046522-001/la-grande-pompe-a-phynances?autoplay=1
    http://www.arte.tv/guide/fr/046522-002/le-bal-des-vautours?autoplay=1
    Plus que quelques heures pour revoir les deux emissions mais elles vont repasser.
    Les « économistes atterrés » annoncent la venue très proche d’un nouveau krach. Ce sont les plus pauvres et les classes très moyennes qui vont morfler.
    Ceci dit, quand on voit ce que la société civile organise en Grèce ou en Espagne pour résister on se dit que ma foi effondrement = renouvellement.

    1. En même temps quand on a l’air commode, on peut rester au lit tranquillement… ça permet de se ranger…

      (je me demande si je n’abuse pas à faire des jeux de mots tôt)

    2. @ Obni : …des jeux de moto ? :) (Non, ils sont très bien.)(Moi j’aime beaucoup en tout cas)(Te souviens-tu que Commode était un empereur assez dérangé ?)(C’est quand même étrange.)

  6. Non mais en fait j’ai envie de me mettre en grève et d’attaquer Assassin’s Creed IV, sauf que j’ai pas fini le II, qui est génial, ni le III, un peu moins bien, et j’aime bien finir avant de commencer, c’est pas bien de ne pas finir, si vous saviez le nombre de trucs que je ne finis pas, c’est l’horreur, quand je mourrai on retrouvera dans mes tiroirs des tonnes de débuts sans milieu et sans fin, et on se dira « Qu’est-ce qu’elle commençait ! » et « Pourquoi ne finissait-elle jamais ? » et si Freud était dans le coin il vous dirait que les gens comme moi aiment surtout les débuts, pas tellement les milieux, et ont assez la haine des fins parce qu’après les fins y’a RIEN.

    Le secret de l’éternité c’est de commencer sans arrêt, finalement.

    (Mouhahahahahahahahahahahaha !)

    1. Oui les mots tôt comme une offrande… rien à voir avec les mots-quêtes… Enfin, lorsqu’ils sont tapis dans l’ombre uniquement…

  7. Ce Commode qui l’était si peu faillit périr de coups dans le buffet, un esclave lassé l’étrangla, un passe lacet nommé Narcisse. Il paraîtrait que ce fut un gladiateur qui mit ce sinistre polichinelle dans le tiroir de sa mère qui meublait son temps ,hic et ha!

  8. Foutrechiourme. Hier, j’avais eu une absolument excellente idée de post, et aujourd’hui, comme je n’ai pas eu la brillante idée de l’enchaîner brièvement sur un bout de papier, elle s’est envolée et elle a disparu avant que je ne puisse l’abattre d’un bon coup de 22 long rifle mental.
    Chiennerie.
    Et en plus Google fête Camus.
    Si c’est pas tordant.
    Chiennerie.

  9. Ce n’est pas un billet avorté mais une fausse couche…. Ouf, j’en suis rassuré pour toi, tu ne subiras pas les foudres des anti-IVG.Tu devrais tenir un planning pour décrire les mères Veil issus de ta grande culture et de tes vivifiantes curiosités? Je suis heureux de rendre à ce post, tragiquement,disparu l’hommage qui lui aurait été du….

    1. :-))
      En fait, je l’ai retrouvé (par hasard), ce fichu sujet, mais faut que j’y réfléchisse encore, j’sais pas s’il est si extra que ça tout compte fait…

  10. Alors là, je compatis. J’avais même écrit un truc là-dessus. Tiens, il faudrait que je le retrouve, comment la sorcière Velléité faisait rien qu’à m’embêter : chaque fois que j’entreprenais, elle venait me promener sous le nez mille autre perspectives, me susurrait des arguments parfaitement démobilisateurs, bref une vraie plaie.

  11. Oh là là, il y a un « best of » Frères Coen sur Arte ces jours-ci, et je les revois tous en me délectant. Lundi soir, on verra « Fargo », l’un de mes préférés (avec « The Big Lebowski », revu l’autre soir pour la 3eme fois). :)

    1. Ben si je tape le nom du site, ça fonctionne sur Google pour moi, donc je ne sais pas… C’est bizarre. Le mieux, ce sont les marque-pages du navigateur.
      (Bon, en plus, moi j’ai disparu parce que j’ai eu une panne d’ordi, je suis en train de tout réinstaller depuis deux jours.)

  12. Voilà : le premier commentaire is very good, j’ai bien ri. Ceci dit il y a un petit problème avec travail, travailleur. Employé (oh, désolé Sophie), utilisé comme ça dans le billet, ces mots induisent que seuls et seules les salariés et riées… travaillent. Alors là, Sophie, vous me surprenez. Que font donc les femmes à la maison, comme on dit ou disait, les professions libérales, qui ne le sont pas forcément, je précise en période affreusement capitaliste genre pillage systématique, que font-ils donc, les paysans, les artisans, ceux qui, bien qu’en société ne le sont pas, salariés, que font-elles, les paysannes, les artisannes (on dit ?) et les bénévoles ? Ces 2 petits mots,travail, travailleur, en période de manif par exemple, sont très fratricides, réduisant la société laborieuse à quoi ? au gai laboureur ? Pourquoi pas l’inverse, d’ailleurs, ou la boureuse. :-)

    1. :-D
      Non, mais j’ai eu un coup de ronchon, sur ce billet. C’est juste une question de mots, de qualification, non des gens, mais des choses, et je n’ai pas songé du tout à la notion de salaire ou autres, en fait. Je faisais de la terminologie.
      Bref, je n’associe évidemment pas les formes de rémunération aux boulots que les gens font. Mais tu ne penses pas que cette notion que tous les boulots sont interchangeables et que les gens deviennent corvéables à merci, ça va avec les mots « emploi », « Pôle Emploi », etc. ?
      J’sais pas, j’ai toujours aimé le mot « métier », moi. Peut-être parce que mes ancêtres ont beaucoup bossé (et pas forcément « pété », lol) dans la soie et les tissages… ;)

    2. Même physiquement, je veux dire visuellement, les mots « travail » (qui, je le sais, est associé à l’idée de torture, mais qui, à mon avis, est d’abord dérivé d’une installation de ferronnerie – les trois poteaux du « tripalium » utilisés pour encadrer les chevaux à ferrer) ou « métier » ( qui, lui, provient de « ministerium », ce qui veut plutôt dire « servir », ce que nos ministres oublient souvent) tiennent mieux debout, sont moins mollassous que ce fichu « emploi », tout flasque et déprimant (lui, il vient de « implicare », qui signifiait « emmêler » et « engager » en latin médiéval). Quand on « emploie », on « fait usage de ». J’aimepô.

  13. Tu me fais rire avec la soie et les tissages : t’as vu ton site ou c’est marqué « Styliste free-lance pour Hermès » ? hi, hi, hi….
    Tout-à-fait d’accord, ronchonnons : bien sûr emploi et petits poids, les ressources humaines qui coûtent cher à la société, qu’il faut payer, mais où on va ? Vous êtes employé à balayer et terminé ! Vous êtes employée, vous avez bien de la chance. Alors oui, employons-nous à lui tordre le cou à cet emploi.

    1. Ben oui, tradition du tissu passée dans les gênes, probablement… :) J’fabrique pas évidemment, mais je dessine, haha ! Pis j’fais ma pub, comme tout le monde désormais (et encore : chus pas sur FB ou autre réseau…), kesstuveux.
      Bon, sinon, je suis une obsessionnelle du mot, j’adore décortiquer les termes en cours, j’avoue. Et en ce moment, avec cette « novlangue » de techniciens qui fait tout sauf rêver, je me fous en rogne toutes les 5 minutes. :D

  14. La rengaine du patron « Sous les charges , j’en ploie »
    Celle du couturier « Je déploie »
    Celle d’ Hermés à ceux qui ne se sentent péter « Je suis le messager du vent….vent joli, joli vent, bien entendu!!! » Scuse, Soph vot’ respect, je m’amuse.Pour l’affront tu m’étrangleras avec un foulard et l’affaire sera dans le sac!

  15. Question à qui voudra bien répondre : est-ce que l’affichage du site est correct pour vous ?
    Parce que moi, quand j’ai ouvert le site sur mon nouvel ordi ousque tout était en tout petit (depuis, j’ai changé la taille des textes à l’écran, et tout est redevenu normal), j’avais tout le bloc de texte central collé à la droite de l’écran, et je me suis dit que j’avais dû oublier un truc (mais quoi ?) sur la feuille de style quand je l’ai installé.

  16. Les amérindiens, corvéables à merci par les conquistadors de Pizarro connurent des conditions de servage , particulièrement moches…. pourtant la beauté de l’art Moche est incontestable..Pauvres amers indiens!

  17. Comprends pas super bien le système des appels à témoin, en France. D’un côté, on te montre des photos minuscules du gars à retrouver et faut une loupe pour deviner quelle trombine il peut bien avoir sous la casquette et les lunettes, et de l’autre, on te passe des extraits de film où il est …flouté.
    Font tout pour simplifier la tâche, quand même.

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