Super Marionnette

Je t’assure, Padawan, que le temps rétrécit. Personne n’a l’air de s’en apercevoir, mais ça devient vraiment dingue. Un de ces quatre, on se lèvera pour prendre un café, et après avoir fait deux bricoles, il faudra illico aller se recoucher. Tout rétrécit, d’ailleurs, dans cette drôle d’époque. Les chaussettes, les salaires, les distances et les pensées. Et si tu ajoutes ce qui rétrécit à ce qui se raréfie, tu conviendras qu’on a parfois l’impression d’être, comme les héros de certains films d’aventure, obligés de trouver fissa la sortie secrète d’une pièce dont le plafond à piques s’abaisse en grinçant.

Tout est devenu urgent dans tellement de domaines que tu passes ton temps à galoper comme un dératé du lundi au dimanche, sorte de Super Mario fonçant dans un labyrinthe, à décrocher des trucs et à tilter des machins : faire ton lit, PING !, faire tes courses, PING !, faire tes repas, TUNG ! TUNG !, faire un semblant de ménage, TING !, aller aux rendez-vous de la semaine, DING ! DING !DING !, finir tes commandes à temps, ZBALOUNG !, téléphoner à X ou Y, TONG ! TADONG !, passer au garage, KLING !, passer à la banque, KLONG !, passer chez le doc, TAK ! aller à la poste, KLANG !, déjeuner avec un copain, SHTOUNG !, boucler tes comptes, ARGH ! …et ainsi de suite.

Du coup, moi, le soir, les guiboles flageolantes, j’allume un feu dans ma grotte, je fourbis mes armes et j’bouge plus trop. De loin, j’écoute les grognements des gros sauriens auxquels j’aurai échappé dans la journée, et j’aperçois, flottant sur l’horizon rougeoyant, tous les blobs créés par les Sorciers du Bla-Bla, grosses bulles de poison qu’il ne faut surtout pas percer au cours du trajet sous peine de malédiction gluante.

Cette année, on en a eu plein, des pièges de sorciers, mais je les ai tous royalement évités : Pariage Tour-Pousse (sorte de tour sans issue et sans air dans laquelle tu tournes comme un taré), Œil Malin de Hénèssa (grosse pieuvre qui avale tout, dévoilée par un joueur courageux), Bourbe du Môchage (marais puant qu’on ne voit pas et dans lequel on s’enlise), emprise croissante de Face-de-Bouc (il est au milieu du labyrinthe, et il attend que tu t’approches pour te bouffer tout cru), ou imprécations de Dieu-largué (dragon à mauvaise haleine, le jeu en est bourré, de ceux-là). J’ai également échappé à tous les discours des Mages à Lunettes (ça t’endort dans ta course, puis te fait tomber dans des abîmes insondables), aux remises de décorations (on te pique avec, et tu es immédiatement paralysé), aux remontrances des Hauts-Moralistes (le gourdin est très utile dans leur cas) et aux borborygmes des Vieux Sbires Cathodiques (figure-toi qu’en plus de tous leurs affreux sortilèges, ils ont un certain Jaunie comme champion immortel, et il est terrible : tu l’écoutes, tu clamses).

Demain, j’attaque une nouvelle côte, comme toi sans doute. Si tu as besoin d’un coup de main, envoie-moi un farfadet, je te filerai des combines, des plans, des gourdins et des sorts, j’en ai plein.

PS : Surtout, fais gaffe où tu mets tes pieds, la Bourbe du Môchage se répand vachement ces derniers temps…

9 réponses

  1. Ah! Tu as bien résumé la situation. Tu as oublié les marécages de la mélancolie où s’embourbent les cavales les plus déterminées. En ce moment j’y suis jusqu’aux oreilles.
    Merci pour ton bel humour.

    1. Ah, les fêtes, ça plombe le moral, personne ne le dit jamais, mais on en sort tous horriblement déprimés… J’ai eu beau sucrer les bêtisiers à la con, Drucker, le champagne, Ruquier, Johnny (la vache, j’ai eu du mal, il était partout çui-là), les huîtres, les mauvaises nouvelles, les cadeaux à la con, les sapins, le Sapin, les rediffs de naseries, les sketches à deux balles, les magasins bondés, les résumés hasardeux des épisodes précédents, les soaps indigestes, les bûches dégoulibeurkantes, ben j’m’sens quand même essorée.
      Je hais les fêtes de fin d’année.
      Gros bisous chaleureux, tiens bon.

  2. Pour te répondre à ton billet si caustique qu’il arrive à souder 1 3,14,j’essaie de prendre sur mon temps, ou moins ce qu’il en reste, car je l’ai fait, mon temps, il me reste du mauvais temps à épuiser…Tu as , diablement, raison, la vie est de plus longue, les jours de plus en plus courts, j’aurais voulu développer ce paradoxe mais le temps me manque.A moi comme à toi, le temps pète au nez, m’oblige à aller ouvrir la fenêtre pour aérer. Un mauvais taon en a profité pour entrer, je perds mon temps à essayer de tuer ce taon. Je t’avoue que je t’écris d’une façon fort inconfortable ,caché sous une table recouverte d’une nappe. Chez moi, il y a des mites au logis. La plupart du temps, je m’en fous éperdument, mais depuis quelque temps , je suis poursuivi par une mite railleuse qui me fait peur. Elle vrombit, chargée de balles à blanc qu’elle s’est procuré au black . Quel cauchemar, se retrouver le dos au mur, exécuté avec des balles à blanc. Être fusillé , passe encore, mais que le supplice puisse durer éternellement, voilà qui me fait serrer le trou de balle.En plus, je risque d’être coiffé sur le poteau, moi qui déteste la cagoule !
    L’éternité rétrécit elle aussi, je connais un mac Abbé,de mauvaise foi, qui s’est fait inhumer avec un réveil pour être sur d’arriver à temps au jugement dernier. Même les morts n’ont plus le temps de dormir tranquille . Suite à des restrictions drastiques de nourritures spirituelles, ils sont réduits à crier dans leur tombeau qui reste de marbre « J’ai la dalle »….et cela sans fin…Les infidèles, gens de peu de culture, qui croient que c’est nous les infidèles, alors que ce sont eux les infidèles(,enfin je crois, ma foi) se raccrochent à leur foi qui leurs dit qu’au paradis, ils seront bien- houris, alors ils poussent des hourras..ah là, là …mais si , messie, je t’assures…..Moi, je passerai, un jour de vie à trépas, d’une façon définitive, l’hasard ne me fera pas ressusciter…Le médecin dira « Il a très passé et même outrepassé son temps ». Le jour de ma fin, je n’aurais pas faim, j’aurais une crise de foi (gras), incapable d’entendre la parole divine. Ventre affamé n’a pas d’oreilles…Un jour viendra où.avec ou sans balles à blanc, je me ferai des cendres, je ne me battrai pas pour avoir une place au paradis d’Allah ou de l’autre, je ne jouerai pas « Cramé contre Cramé »….Enfer et damnation ! En attendant pour passer le temps, je fais de la chirurgie esthétique, je me permet un petit coup de pub avant de laisser ton temps libre «  CHÉRIES ! JE RÉTRÉCIS LES GROSSES »…Triste évolution de la barbarie, l’occupation du temps ne répond plus aux lois de Moïse, c’est la mouise, moisie en sont les règles .Ceci étant, pax, dominus vomis cum……

  3. Tiens, à propos de rétrécissement, effectivement, c’est parti, la presse « féminine » commence à nous bassiner avec des plans régime, « comment bien maigrir » et le toutim. C’est plus tôt que d’habitude (en général, on nous fout la paix jusqu’à fin février), cette année.
    Je vais poser une mine virtuelle sous cette grosse antienne, façon de faire une liposuccion définitive de tous ces articles inutiles, et BAOUM !!!! (…..floutch! floutch! floutch !)… on y verra plus clair.
    Taïaut.

  4. Aguichée par le commentaire de l’amie K, la Spadassine, j’ai filé voir de quoi il en retournait et n’ai pas été déçue ! Bravo pour le concentré d’humour et la justesse ce qui se cache dessous. Miam ! j’en reprendrai bien volontiers.

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