Crayonné de Chris van Allsburg
Avant même les résolutions de début d’année, je me suis immergée dans le taf comme on plonge sous l’eau pour trouver un trésor. Le moindre éclat transparaissant entre les algues des grands fonds m’attirant comme un aimant, je m’en vais allègrement le dépiauter, quitte à rigoler s’il ne s’agit que d’un vieux pneu ou d’une chaussure percée. Autour, c’est le silence, avantage conséquent de ces disparitions volontaires au cœur de la matrice. Ces derniers mois, j’avoue que je n’en pouvais plus du bruit régnant à la surface. Blabla moua président (rentrez le périscope !) blabla mariage gay (fermez les écoutilles !) blabla la crise (remplissez les ballasts !) blabla la vie et l’œuvre de Michel Drucker (prise de plongée !) blabla le retour de Jean-Jacques Goldman (silence radio !) blabla le manque de logements sociaux (en plongée !) blabla Depardieu en Poutinie (cap au sud !).
De temps en temps, j’émerge juste pour jeter un œil aux îles rutilantes des créations d’autrui, seules choses qui m’intéressent réellement. J’ai donc suivi avec avidité les premiers épisodes de l’adaptation en série télévisée de Game of Thrones , la saga fantasy de George R. R. Martin, auteur dont j’ignorais totalement l’existence. Le résultat m’a, pour le moment, bien plu. Et m’a agacée aussi, parce qu’entre mille et uns projets (dont la plupart, je le sais, resteront posés sur les fonds), j’avais eu l’espoir, il y a trois ans, d’écrire une trilogie de fantasy. J’en ai déjà tracé les grandes lignes, et quelques chapitres ont émergé. Or, miséricorde et putréfaction, ce zouave de Ricain a eu, bien avant moi, quelques unes des idées qui me traversaient la tête à l’époque : création d’un pays où l’hiver peut durer une vie (chez moi, il devait durer sept ans), mur de glace séparant le royaume des héros d’un monde inconnu plein de créatures terrifiantes (chez moi c’était un mur de montagnes, mais avec le même genre de porte), garde d’élite devant protéger ce mur, etc.
J’ai failli en briser ma pipe de capitaine Harrock’n Roll, puis j’ai réfléchi. Après tout, des idées qui passent d’une cervelle à l’autre, c’est constant dans l’histoire humaine. Sachant que Martin ne m’a pas tout piqué avant que j’y pense, je vais trouver autre chose et puis basta. Et j’écrirai un truc différent avant que quelqu’un d’autre y pense. (Ou bien je n’écrirai rien, on verra, on s’en fout en fait.) Le truc rassurant dans tout ça, c’est que finalement, sur cette planète, avec tant de cervelles au travail dans tous les domaines, aucune idée ne reste au fond du sac.
Sauf à la télé. Depuis trente ans, je n’avais jamais vu une telle dévastation de ce côté. En dehors des fictions, je ne peux plus rien regarder hormis Arte et ses docs sur les pyramides égyptiennes ou la façon de préparer la bouffe chez les Pygmées. Parfois, il m’arrive de zapper sur « Cauchemar en cuisine » rien que pour jouir de voir Gordon Ramsay rétamer les bras cassés qui tentent de maintenir à flot leur lamentable usine à poisons pleine de cafards. C’est pas très fréquent, j’avoue : c’est juste quand j’ai éminemment besoin de voir des cons bien mûrs se faire torturer par un bel Écossais caractériel aux yeux bleus.
Tout ça pour dire que cette plongée en eaux profondes me fait aussi moins écrire sur ce blog. Pas par flemme, mais parce qu’à force de nager en profondeur, j’oublie le temps qui passe en surface. Mille excuses, donc, pour cette irrégularité provisoire. Je ne sais pas du tout combien de jours ou de semaines ça va durer – mais c’est un peu parti pour durer, vu que je m’amuse comme une folle à faire la sirène dans mes châteaux de sable virtuels.
Dis donc, dans ta précipitation à plonger vers les abysses sains (décidément ton matou salem te manque) pour fuir la superficialité de la surface, as tu pensé à prendre une réserve de bouteilles et des bonnes? sinon, tu risques d’être de la revue côté oxygène, il ne restera plus qu’à te souhaiter une bonne apnée lumière .
J’aime bien ton principe « Ou bien je n’écrirai rien, on verra, on s’en fout en fait » . Je pense que là est la marque des vrais écrivains ou plus précisément des vrais conteurs. Les grands contes qui bercent l’humanité sont tous oraux, le créateur n’a pas le temps d’écrire, ses disciples le font pour lui.
Salut Nemo, passes de riches lieux sous les merdes à druckman et consorts, ton projet est cardinal, ne te laisses pas déboussoler et gardes ton cap’ad hoc!
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Ah oui, pour les boutanches, je suis parée ! :) (Mon sous-marin étant un Nautilus, j’ai des réserves pour des mois.)
Écoute, je ne sais pas si ne pas écrire est la marque des conteurs – bien que le meilleur bouquin soit celui qu’on n’a pas encore écrit, of course – mais réfléchir à des histoires, quel délice en soi… :)
(Après, faut trimer pour les partager, juste, haha !)
Taupe modèle? Ton billet révèle plutôt une taupe secrète. C’est les rats qu’elle fuit, tous ceux qui ne pensent qu’à épater la galerie
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Héhéhé.
Elle fuit les rats, la souris, c’est vrai. Y’en a trop, là.
Sur la base de nos rapports mutuels urbains, je parie que tu réémergeras à la fin du Paris Tocard qui comme chacun le sait vrombit de Paris, capitale de l’Argentine pour aller s’écraser à Dakar, capitale du Chili. Çà m’est égal pourvu qu’ils enrôlent Holz , le connard laquais des portières…of course!
:)
Je ne m’intéresse pas à ce genre de truc obsolète. Mais c’est sûr que pour les fortunés experts de l’aventure routière « sans frontières-nous sommes beaux-nous-sommes-frères », mieux vaut polluer des pays qui ne sont pas en guerre, c’est moins dangereux, et on peut mieux faire semblant d’être sainement épuisé aux feux de camp en avalant son soda glacé.
La « connerie pour tous », ça marche encore très bien.
Tu es en immersion périscopique, il suffit d’une alerte « le Mali bout » pour que tu produises, de tes hauts fonds, une analyse de fond, solidement affirmée. Ma position sur la question n’est guère épaisse à part les remarques que j’ai laissée chez Solko après ton passage. Le terrain de chasse des touristes en tout genre rétrécit, je m’en fous, à Bamacko, je n’irai pas, moi ,coco!
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Ton « les drones adhèrent au désert » m’a bien fait rire. :)
Je hais ces mises à jour.
Je les hais.
A chaque fois, faut que je retraduise tout.
Rhââââââââ.
Décidément, tu pilotes le premier nautilus….Tu galères et rames, ne mets pas les voiles face à l’islam de fond
:)
Fais gaffe la Sirène, ils (les autres) pêchent au filet dragueur de fonds marin et raflent tout au passage. Je reviendre de foyache et j’ai rien écrit depuis euh… longtemps.
C’est pien les foyaches… :)
(M’auront pas, chus planquée.)
Je suis passé en vitesse pour te la toper là… icon_redface
Je suppose que la taupe est las…
La taupe tape. :)
Je lis toujours avec intérêt et plaisir tes billets. Plusieurs réflexions sur celui-ci.
J’ai regardé aussi Games of Throne, j’aime bien l’ambiance, l’histoire et la photographie. J’aime aussi ces différents mondes qui sont décrits et la complexité des personnages.
Pour ce qui est des rapports entre scénario et tv, je ne sais pas si tu as eu l’occasion de regarder (mais sans doute faut-il être abonné) l’émission sur le site Arrêt sur Image consacré à cela avec Marc Herpoux (c’est le gars qui a écrit Signature (2011), Les Oubliés (2008), Pigalle la nuit (2010)), il est interviewé par Rafik Djoumi.
En substance, le gars dit : » Ambiances «trash» ou «dark», personnages à la dérive ou gangsters sans scrupules: qui, des scénaristes ou des chaînes de télévision, détermine les «excès» que le public est prêt à endurer? Les américains ont Deadwood et Breaking Bad. En France, nous avons Pigalle la nuit. Enthousiaste et franc, son scénariste Marc Herpoux nous explique comment lui et son collègue Hervé Hadmar ont su trouver leur espace d’expression au sein du système pyramidal des chaînes françaises. »
En gros, le gars est assez optimiste, il estime que le système qui part des producteurs de télé vers les scénaristes, est en train de s’inverser un peu…
A-t-il raison ? Est-il un peu emballé par sa propre histoire ? J
Bonjour Obni ! Merci, c’est très gentil ! :)
Pas vu l’émission dont tu parles (je connais de nom), mais je pense qu’on progresse un peu du côté des scénarios grâce à canal +, effectivement. Mais c’est une goutte d’eau dans l’océan, j’ai l’impression.
Quand on regarde beaucoup de séries US et anglaises, on voit
que la France est toujours sacrément en retard question innovations, malheureusement. Les chaînes risquent peu, à part dans le secteur des séries comiques. Mais sinon, en gros, les chaînes achètent à tour de bras chez les américains ou les anglais, tout en continuant à diffuser en bouche-trou d’anciennes séries françaises plan-plan toujours bâties sur le même modèle. Et en majorité, le gros du fric des productions se concentre essentiellement sur la télé-réalité et les émissions de plateau. (Heureusement qu’Arte passe des docus, parce qu’ailleurs, en dehors des raids de la BAC et du travail embarqué sur le taf de la police (ou des reportages en caméra cachée), le docu français se porte assez mal aussi.)
Pour certaines des nouvelles séries françaises, je n’ai pas vu « Pigalle », donc je ne peux pas en parler. En revanche, j’ai vu un ou deux épisodes de « RIS, police scientifique », et je n’ai pas accroché du tout (déjà, pourquoi refaire « Les Experts » en moins bien ?) : c’est lent, moins bien filmé qu’aux US, plus caricatural, souvent assez prévisible.
Ce qui nous manque, c’est non seulement un travail d’équipe à l’américaine question scénars, mais de meilleurs réalisateurs, plus d’ellipses (on n’a vraiment pas de culture elliptique, ici), et surtout plus de jus. Partout. On manque de jus, c’est terrible. On est toujours dans l’explicatif (comme les allemands, qui copient en moins bien les séries anglophones eux aussi), le démonstratif, comme si les scénaristes avaient peur que le public ne comprenne pas. C’est vraiment plombant, quoi.
Disons aussi que la grosse différence tient dans la mentalité. Les Anglosaxons tentent toujours de surprendre leurs spectateurs, d’innover, d’aller plus loin. On les sent en recherche perpétuelle, alors qu’ici, ce serait plutôt du « continuons à faire ce qui a déjà marché ». En ce moment, le dimanche soir, je me colle sur « Southland », et j’admire le travail et l’originalité de cette série, qui, malgré qu’elle soit la énième sur la vie d’un commissariat à L.A, a su renouveler de fond en comble ce thème. C’est habile de suivre chacun de ces flics de la base au sommet en histoires mêlées à la perfection, les passages en caméra à l’épaule ne sont jamais gratuits (rien n’est jamais gratuit, on ne voit aucune facilité de réalisation), c’est rapide et clair, les poursuites sont travaillées comme des reportages embarqués, le montage est serré au plus près, et côté histoires, c’est surprenant et il n’y a jamais aucun jugement moral (et ça, les français n’y arrivent quasiment jamais) sur les personnages (c’est au spectateur de tirer ses conclusions). C’est éblouissant, quoi.
Je sais bien qu’ils ont plus de moyens que nous, mais quand même, ça me frustre de voir qu’on continue, nous, à diffuser du « Soeur Thérèse.com » en face de ces merveilles… :D
Ce qui est dommage c’est que Canal+ qui a les moyens financiers de faire de bonnes séries… s’embarque le 3/4 du temps dans des projets sans beaucoup d’ellipses, comme tu le dis… Marc Herpou semblait dire qu’ils ont un peu changé depuis « Les Revenants », série à plus d’un titre intéressante (par son intrigue et les différents personnages qu’elle présente) quoiqueperdant du ryhme sur la fin (et surtout très prévisible dans son final).
Rhô « Les Revenants »… L’idée de base n’était pas mal, mais j’ai vu deux ou trois épisodes si lourds et si lents que j’ai lâché en route. Pas elliptique du tout du tout, encore une fois, oui…
(Bon, ma réponse est un 2e essai ! Il impossible de poster facilement sur OVH à cette heure, c’est l’embouteillage.)